Après des records de chaleur battus au mois juin, le mois de juillet de cette année a été le plus chaud jamais enregistré à l'échelle mondiale. Face à la hausse persistante des températures, nous nous devons de réfléchir à la manière dont nous pouvons investir dans la lutte contre ce phénomène.
Synthèse
Le mois de juillet dernier, le plus chaud jamais enregistré dans le monde, a fait suite au mois de juin le plus chaud jamais observé. Les records de température terrestre et maritime qui continuent d'être battus dans le monde entier soulignent l'urgence du changement climatique. Rien qu'en Europe, les conditions météorologiques extrêmes ont été à l'origine de plus de 60 000 décès au cours de l'été 20221. Des feux de fôret aux États-Unis et en Europe du Sud, aux crues soudaines au Bangladesh, les effets sont généralisés.
Ces événements nous rappellent que le risque climatique est aussi un risque d'investissement. Mais que peuvent faire les investisseurs pour lutter contre le changement climatique et/ou protéger leurs actifs contre le risque climatique ? Nous associons les recherches de climatologues et d'économistes pour analyser les différents facteurs.
Les conditions météorologiques extrêmes sont une source d'inquiétude pour la productivité mondiale
Au cours des dernières années, les scientifiques ont étudié les facteurs environnementaux qui ont un impact sur la productivité économique et, par extension, sur la croissance du PIB. Les études font apparaître une corrélation entre la productivité économique et les changements de température : des températures plus basses peuvent accroître la productivité, celle-ci atteint son maximum à une température moyenne annuelle de 13 degrés Celsius, puis décline rapidement lorsque les températures augmentent au-delà de ce seuil2. Il n'est donc pas surprenant de constater qu'alors que la population mondiale est répartie de manière égale entre pays tempérés et pays tropicaux, une grande part du PIB mondial est concentrée autour de cette température optimale.
Pour évaluer les évolutions possibles du climat, les scientifiques réalisent des simulations de modèles climatiques avec différents scénarios plausibles d'émissions futures de carbone. Ces scénarios, dénommés « profils représentatifs d’évolution de concentration » (Representative Concentration Pathways, RCP), décrivent les futurs climatiques possibles, en fonction des volumes de gaz à effet de serre (GES) émis au cours des années à venir. Les scénarios vont du RCP 1.9 (limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 degré, l'objectif de l'accord de Paris) au RCP 8.5 (les émissions continuent d'augmenter tout au long du 21e siècle). Le RCP 4.5 représente une situation moyenne, où les émissions mondiales de gaz à effet de serre atteignent leur maximum vers 2040 et diminuent par la suite ; il est largement utilisé comme scénario intermédiaire.
L'agence de notation S&P Global Ratings a évalué la manière dont le PIB mondial pourrait évoluer en réponse au réchauffement de la planète dû au changement climatique. Elle estime que dans le scénario RCP 4,5, le PIB mondial pourrait diminuer de 4 %. Toutefois, les pays à revenus faibles et moyens-faibles devraient subir des baisses du PIB 3,6 fois plus importantes en moyenne que les pays à hauts revenus et moyens-hauts. On estime que l'Asie du Sud, où vivent environ 2 milliards de personnes, pourrait subir des baisses du PIB de 10 % à 18 % d'ici à 20503.
Il est donc essentiel que les gérants de fonds aient une compréhension complète de l'impact financier du changement climatique afin d'assurer la pérennité de leurs performances, ce dans toutes les catégories d'actifs et dans toutes les zones géographiques.
Risque pour les PIB combinés en 2050 dans le cadre du scénario RCP 4.5, par région
La réponse
L'ampleur du défi a incité les gouvernements et les entreprises à prendre de nombreux engagements en faveur de la décarbonation. On estime que 9 200 milliards de dollars de dépenses annuelles seront nécessaires pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.4
L'Union européenne a continué à relever les objectifs de réduction des émissions [Green Deal (2019), Fit for 55 (2021) et RePowerEU (2022)] pour ses États membres et à élargir son système d'échange de quotas d'émission à de nouveaux secteurs tels que le maritime et l'aviation. L’inflation Reduction Act (loi américaine sur la réduction de l'inflation) devrait déployer 370 milliards de dollars en crédits d'impôt, ce qui devrait générer un investissement total estimé à 1 700 milliards de dollars pour contribuer à la décarbonation à grande échelle. La Chine a introduit un système d'échange de quotas d'émission en 2021, qui est désormais trois fois plus important que celui de l'Union européenne.
Plus de 3 000 entreprises ont défini des objectifs fondés sur des données scientifiques5. Plus de 315 gérants d'actifs représentant 59 000 milliards de dollars d'actifs sous gestion6 sont signataires de l'initiative « Net Zero Asset Manager » et 133 banques (dont J.P. Morgan) représentant 74 000 milliards de dollars d'actifs ont rejoint l'Alliance bancaire Net Zero.7.
Mais que peuvent faire les investisseurs pour contribuer à limiter le changement climatique et/ou protéger leurs portefeuilles contre le risque climatique ?
Dans une précédente note, nous avons décrit une approche en trois étapes pour investir dans les technologies traditionnelles et émergentes qui visent à lutter contre le changement climatique.
La recherche montre également que les données sur le sentiment lié au climat peuvent être utilisées pour identifier les périodes au cours desquelles les préoccupations climatiques sont fortes ou croissantes. Investir dans des entreprises qui sont des « leaders ESG » pendant ces périodes peut entraîner une surperformance par rapport aux indices de référence mondiaux8. En outre, les gérants de fonds ont de plus en plus recours à l'analyse de scénarios climatiques pour modéliser l'impact du changement climatique sur la valeur des actifs. Il en résulte un univers croissant de gérants de fonds ESG de plus en plus sophistiqués qui utilisent des données pour identifier et investir dans les opportunités offertes par les marchés.
Malgré un ralentissement dans l'ensemble du marché, l'investissement climatique sur les marchés privés a connu une croissance significative depuis 2019. On estime que le volume mondial des transactions d’actions axées sur le climat a été multiplié par 2,5, passant d'environ 75 milliards de dollars en 2019 à 196 milliards de dollars en 20229. Ce chiffre est nettement supérieur à la baisse de 24 % du volume global du private equity au cours de la même période. L'énergie, les transports, l'hydrogène et la gestion du carbone ont été les principaux domaines d'investissement. Dans une précédente note, nous avons exposé une approche en trois étapes pour investir dans des technologies traditionnelles et émergentes qui visent à lutter contre le changement climatique. Ces technologies sont accessibles sur les marchés cotés et privés - en investissant dans des entreprises qui saisissent les opportunités créées par la transition générale vers une économie à plus faible intensité carbone.
Quelle que soit l'approche adoptée, il est évident que cette transition ne sera pas linéaire. Les investisseurs devraient envisager une approche active de l'investissement dans ce domaine, en travaillant avec des gérants qui peuvent comprendre ce contexte complexe et potentiellement générer des rendements à moyen et long terme.
Notes
1 Joan Ballester, M. Q.-Z. (2023). Heat-related mortality in Europe during the summer of 2022. Nature Medicine, 1857-1866.
2 Marion Amiot, S. P. (2023). Is Climate Change Another Obstacle To Economic Development? S&P Global.
3 Marshall Burke, S. M. (2015). Global non-linear effect of temperature on economic production. Nature, 235-239.
4 https://www.mckinsey.com/capabilities/sustainability/our-insights/the-net-zero-transition-what-it-would-cost-what-it-could-bring
5 https://sciencebasedtargets.org/companies-taking-action
6 https://www.netzeroassetmanagers.org/
7 https://www.unepfi.org/net-zero-banking/members/
8 Robert Engle, S. G. (2019). Hedging Climate Change News. Yale ICF WOrking Paper , 2019-02.
9 https://www.mckinsey.com/capabilities/sustainability/our-insights/climate-investing-continuing-breakout-growth-through-uncertain-times